En France, l’étude des effets du vieillissement de la population est l’apanage des démographes et de quelques économistes spécialisés. Pourtant, le sociologue a lui aussi beaucoup à dire sur cette question. C’est ce que nous montre Vincent Caradec, avec talent, dans ce petit livre foisonnant et passionnant.
2 « La vieillesse n’est pas qu’un mot », nous prévient d’emblée Vincent Caradec en parodiant la formule célèbre de Pierre Bourdieu. Loin d’être une simple donnée biologique, elle est analysée par le sociologue comme un véritable construit social et historique. Pour que la vieillesse puisse devenir une des étapes du cycle de vie, il a fallu que la retraite soit institutionnalisée, un nouvel âge de la vie pouvant alors prendre forme en dehors du marché du travail.
3 Si les « vieux » sont tous des retraités, cette catégorie n’en est pas moins disparate, d’où la floraison de nouvelles expressions: troisième âge, personnes âgées dépendantes, seniors… Les mots pour le dire sont évidemment lourds de sens. «Senior» est un terme inventé par le marketing pour segmenter et dynamiser la partie la plus jeune et la plus solvable du groupe! « Personnes âgées dépendantes» renvoie à un jugement médical. Et le quatrième âge s’ajoute au troisième avec l’allongement de l’espérance de vie.
4 Comment rendre compte de l’hétérogénéité de ce groupe? Après avoir présenté les méthodes utilisées pour étudier ces «personnes âgées», Vincent Caradec se focalise sur quelques exemples: jeunes retraités, personnes très âgées, personnes âgées dépendantes, personnes âgées vivant dans une institution et personnes âgées immigrées. Dans ces deux derniers exemples, on découvre un portait très éloigné du modèle du senior actif, très intégré familialement, que nous décrivent les médias. L’exclusion et la détresse humaine sont au contraire le lot quotidien de ces personnes âgées.
5 Vincent Caradec s’intéresse enfin au vieillissement sous l’angle individuel, en adoptant une perspective microsociologique. Le vieillissement peut alors être abordé comme un processus non linéaire, «combinaisons d’engagements et de désengagements», mais aussi comme une expérience.
6 Et l’expérience ultime est celle de la mort, dernière étape de la vie encore trop peu explorée par les sociologues.
Martin Gilles, « Sociologie de la vieillesse et du vieillissement », Idées économiques et sociales 4/ 2008 (N° 154), p. 79-79 (Fonte: www.cairn.info)